Le spectre de la crise des subprimes plane à nouveau : une banque américaine fait faillite
Hausse des taux de la FED, choc de liquidité et faillite bancaire : on prend les mêmes et on recommence...
Acte 1 : la FED baisse ses taux directeurs
Les politiques de confinement menées pendant la pandémie de Covid-19 ont conduit la Réserve fédérale américaine à fixer ses taux d'intérêt proches de zéro pour éviter qu'une immense récession ne s'abatte sur l'économie américaine. Dans le même temps, le gigantesque plan de relance décidé par l'administration américaine inonde les entreprises et les marchés financiers de liquidités inutiles.
La majorité des startups de la Tech américaine déposent leurs excédents de liquidités dans la Silicon Valley Bank (SVB), l’établissement bancaire favori des jeunes pousses technologiques. La rémunération des dépôts conduit cette banque à investir l'argent des entreprises dans des bons du Trésor américain. Ce placement obligataire ne présente théoriquement aucun risque puisqu'il s'agit de prêter des fonds à l'État américain en échange du versement d'intérêts.
Le capital prêté est récupéré dans son intégralité lorsque les obligations arrivent à maturité (le plus souvent, l'échéance est de 5 ou 10 ans). C'est l'erreur commise par la SVB : avoir sous-estimé le risque de « duration ». Concrètement, si les clients veulent récupérer leurs dépôts, il faudra revendre ces obligations avant leur échéance, ce qui comporte un risque de pertes.
Acte 2 : la fin de l’argent gratuit et le début des problèmes
Comme pour la crise des subprimes, la FED décide de remonter ses taux face au risque inflationniste, situation qu'elle a elle-même créée à cause de sa politique monétaire accommodante. En augmentant massivement la quantité de monnaie injectée dans les circuits financiers, taux zéro et quantitative easing ont d'abord favorisé une inflation des actifs boursiers.
Le double choc d'offre et de demande causé par les confinements et déconfinements, suivi du plan de relance américain (lui-même financé par des achats obligataires de la FED), a ensuite contribué à étendre le phénomène inflationniste à l'ensemble de l'économie réelle.
Et comme en 2008, la FED décide de relever ses taux d'intérêt trop tardivement. Ironiquement, son objectif est désormais de provoquer chômage et récession afin de faire redescendre le taux d'inflation proche du niveau « target » de 2 %.
La Silicon Valley Bank face au risque de taux
Lorsque les taux d'intérêt augmentent, le prix des obligations diminue. Pourquoi ? Parce que les obligations nouvellement émises avec un taux d'intérêt plus élevé offrent un meilleur rendement que les anciennes obligations. Leurs détenteurs sont donc conduits à les vendre pour souscrire aux nouveaux coupons.
Cette baisse du prix des obligations peut causer des pertes pour les investisseurs qui détiennent ces actifs, particulièrement s'ils sont obligés de les vendre à perte pour faire face à des besoins en liquidité. Exactement le problème de la SVB…
Les crédits devenant plus coûteux, les entreprises de la « tech » ont voulu récupérer leurs fonds pour financer leurs activités. Problème : l’argent est placé et n'est donc pas vraiment liquide. Pour répondre à la demande de leurs clients, la banque a dû vendre en catastrophe une partie de son portefeuille obligataire, ce qui s'est traduit par une perte de 1,8 milliard de dollars.
Cette annonce a semé la panique face au risque de liquidité et a provoqué un « bank run ». Tous les clients ont voulu récupérer leurs dépôts en même temps, ce qui a entraîné la faillite de la banque et sa mise sous tutelle par les autorités américaines.
Acte 3 : la contagion bancaire
Dans la foulée, l'ensemble du secteur bancaire américain a été entraîné dans son sillage. Citigroup, JP Morgan, Wells Fargo et Bank of America ont perdu ensemble 52 milliards de dollars de capitalisation boursière sur la seule journée de jeudi.
Bien que plus modestement, la contagion a aussi gagné l'Europe. Si les grandes banques françaises enregistrent des pertes inférieures à 2 %, le cours de la Deutsche Bank perd 8,2 % sur la séance et Barclays chute de 6,2 % sur la bourse de Londres.
Enfin, l'effondrement de la Silicon Valley Bank risque d'impacter directement les entreprises de la « tech » américaine. En l'absence de solution, celles-ci risquent de se retrouver en défaut de paiement très rapidement.
Cependant, la chute boursière a tout de même eu le mérite de faire fuir les investisseurs, qui vendent leurs actions pour acheter des bons du Trésor sans risque. Ce qui contribue à faire baisser les taux et donc à améliorer la situation financière des banques.
Article écrit par Antoine Parat pour Perspectives Critiques
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