TikTok, symbole d'une hégémonie vacillante
La menace d'interdiction du réseau social Chinois, dans la foulée du très protectionniste "Chips and Science Act", témoigne du manque de confiance des USA face à leur concurrent asiatique.
L'administration Biden vient de lancer un ultimatum à ByteDance, la société mère chinoise de Tiktok : vendre ses actions à une entreprise américaine ou voir l'application interdite aux États-Unis. Cette décision, prise au nom de la « sécurité nationale », fait suite à la politique initiée par l'ancien président Donald Trump contre le réseau social, invoquant des soupçons d'espionnage et de collecte de données personnelles transférées vers la Chine.
Il est vrai qu’en matière d’espionnage, les Américains savent de quoi ils parlent. Et nul besoin de se tourner vers la Chine, puisque plusieurs scandales ont déjà émaillé la courte histoire de leur leader, Facebook. Pensons, pour ne donner que quelques exemples, à l’affaire Cambridge Analytica, à l'espionnage des utilisateurs pour le compte du FBI ou au business de la revente de données personnelles.
Dans ce contexte, l’utilisation du concept de sécurité nationale, visant à reléguer TikTok au rang de menace extérieure, peut légitimement sembler disproportionnée. D’autant plus que le réseau social s’est engagé, en vain, à investir 1,5 milliard de dollars dans un data center situé aux États-Unis et entièrement supervisé par les autorités américaines.
Cette accusation semble donc servir d'alibi pour s’en prendre à de solides concurrents. Les applications chinoises connaissent une popularité croissante auprès des Américains. Avec 99 millions de téléchargements en 2022, Tiktok se classe en tête des applications les plus téléchargées aux États-Unis. Sans parler du lancement remarqué de « Temu », application Chinoise de e-commerce, qui occupe déjà le devant de la scène six mois seulement après son lancement. Elle s’ajoute à sa consœur "Shein" (qui doit bientôt être introduite en bourse), ainsi que "Wish", "Aliexpress" et "Alibaba », déjà bien implantées sur le marché américain.
Ces mesures, dans la foulée du très protectionniste « Chips and Science Act », montrent à quel point les dirigeants américains sont inquiets de la manière dont les entreprises chinoises développent un avantage compétitif dans l'industrie numérique, mais sont bien peu confiants en la capacité des entreprises nationales à rivaliser par l’innovation plutôt que par l’accaparement étatique de toute technologie concurrente.
On ne peut que s’étonner de la façon dont les États-Unis, effrayés par la montée en puissance de la Chine, abandonnent le dogme du libre-échange, qu’ils ont pourtant si ardemment défendu, pour se réfugier craintivement derrière une politique belliqueuse de sanctions et de menaces militaires.